Voici une des questions les plus récurrentes du métier de tailleur, veston deux ou trois boutons ? Elle se pose invariablement lorsque vient le moment de choisir la forme générale de la veste que l’on commande. Et elle est moins évidente qu’il n’y parait. Beaucoup de messieurs butent sur celle-ci. Car cette question renvoie à une idée de style. Cette forme particulière, que va-t-elle dire de moi ?
Évidemment, la première des options est de regarder l’anatomie générale de la personne. Si vous êtes petit, fuyez le trois boutons, c’est la logique même. Mais une logique qui n’a pas toujours eu cours. Un de mes vieux clients, qui a toute sa vie été chez le même tailleur et qui est pourtant assez petit et corpulent, ne veut que du trois boutons. Son ancien tailleur lui avait dit que c’était comme ça qu’il fallait s’habiller, et que sur lui, c’est idéal et mieux que le deux boutons qui le tasserait… Je m’interroge encore. Que voulez-vous, on ne peut lutter contre les habitudes.
La mode après. Celle-ci est au deux boutons ces temps-ci et depuis un petit moment déjà. Lorsque j’avais interviewé Camps De Luca à ce propos l’été dernier, il m’avait été dit que le deux boutons était maintenant ultra majoritaire dans les commandes. A tel point qu’il n’y avait plus de trois boutons en production. Un signe.
Est-ce une question d’ouverture, d’échancrure, pour montrer plus de cravate par exemple ? Peut-être. Seulement, le costume croisé – à la mode également – ne permet pas une profonde échancrure, du fait de la croisure assez haut. Pour ma part, j’aime les deux, sans distinction. J’ai seulement remarqué que les trois boutons vieillissaient un peu moins bien, présentant notamment des drapés sur la poitrine, du fait du non-boutonnage du haut. Mais ce dernier habille plus. Son côté plus refermé est plein de discrétion, à l’inverse du deux boutons, plus démonstratif. C’est donc surtout une question d’attitude personnelle, et de moment. Notons qu’une veste trois boutons, l’hiver, tient plus chaud.
Enfin, par le petit schéma ci-dessous, étudions les différents trois boutons que l’on peut rencontrer dans le commerce ou chez les tailleurs :
- A : le trois boutons classique. Le revers ne commence qu’après le dernier bouton. Il ‘roule’ donc un peu plus haut que le bouton, avec une revers plutôt court.
- B : le trois boutons, à l’italienne. Le revers commence au dernier bouton, ou à peine avant. L’entrainement du revers et son ‘roulé’ ne peu se développer si vous fermez le dernier bouton. Mais si vous le laissez ouvert (un classique de nos jours), le roulant de revers s’exprime bien, à mi-chemin entre un deux et un trois boutons. Ceci dit, du point de vue des tailleurs parisiens avec qui j’en ai discuté, un revers qui roule de cette manière (c’est à dire sur le bouton) est mal conçu. C’est donc le signe, d’un point de vue parisien d’une mal façon, ce que nierait un tailleur italien !
- C : le revers américain. Il s’agit en fait d’un véritable deux boutons. La troisième, fausse boutonnière, est exécutée dans le revers, sur l’envers, enfin l’endroit du coup.
Et vous, quel est le vôtre ? Bonne semaine, Julien Scavini
